La formation en situation de travail (FEST), un dispositif pédagogique innovant au cœur des discours actuels
L’innovation en formation s’inscrit dans un contexte économique en pleine transition numérique et écologique, et invite ainsi les acteurs de la formation à repenser cette discipline, et à réfléchir aux enjeux nouveaux de cette société, à de nouveaux dispositifs d’apprentissage, à des nouvelles postures d’accompagnement, ou encore à de nouvelles dimensions pédagogiques inclusives. Cassandra TroncaleLa quinzième Université d’Hiver de la Formation Professionnelle (UHFP) se tenait à Biarritz les 31 janvier, 1er et 2 février, sous le prisme de l’innovation. L’innovation en formation s’inscrit dans un contexte économique en pleine transition numérique et écologique, et invite ainsi les acteurs de la formation à repenser cette discipline, et à réfléchir aux enjeux nouveaux de cette société, à de nouveaux dispositifs d’apprentissage, à des nouvelles postures d’accompagnement, ou encore à de nouvelles dimensions pédagogiques inclusives. Toutes ces réflexions devront permettre à tous les publics de trouver du sens à leur formation, de s’insérer dans un marché du travail plus que jamais en mutation économique et technologique, et de pérenniser leur parcours. I. La FEST comme méthode de formation innovante dans les entreprises Parmi les nouvelles méthodes pédagogiques, la Formation En Situation de Travail (FEST) est au cœur des discours actuels. Nous parlons là d’une nouvelle méthode d’apprentissage en pleine expérimentation, introduite notamment par la loi du 5 mars 2014 qui promeut l’innovation de la formation, et qui vise l’obtention de compétences et de connaissances, plutôt techniques, pendant l’exercice d’un métier. Elle s’inscrit également dans les objectifs du programme Europe 2020 qui vise à outiller les différents pays pour lutter contre le chômage. La FEST est un dispositif de formation informel, qui consiste à favoriser l’apprentissage lors d’une situation effective de travail, ponctuée par la mise en œuvre de temps de réflexion sur ces pratiques, et par l’accompagnement d’un tuteur tout au long de l’acquisition de ces nouvelles compétences. Voici un état des lieux de la Formation En Situation de Travail. Ses points forts :
· La FEST prend en compte le réel du métier, et de l’environnement,
· Elle tire parti de véritables situations vécues en entreprise, inhérentes aux métiers, contrairement à certaines théories vues en période de formation qui seraient étrangères à l’activité,
· Elle est loin de l’approche descendante, formelle et scolaire de certaines formations,
· Elle est généralement plus porteuse de sens pour l’apprenant,
· Elle permet la prise en compte des deux points de vue : apprenant et employeurs (trois si on prend en compte également la société),
· Elle permet de rapprocher les apprenants éloignés des dispositifs de formation dits « classiques », et ainsi leur permettre le développement de compétences en donnant du sens aux apprentissages.
II. Les critères de mise en place de la FEST La FEST doit être organisée en deux temps : Une mise en situation de travail, préparée, organisée et accompagnée,Un temps réflexif pour analyser l’action et assoir les apprentissages. Les étapes de la FEST :
· Concevoir l’ingénierie pédagogique et/ou de formation
· Déterminer les différentes approches possibles
· Etablir un tutorat et faciliter sa mise en œuvre et son accompagnement
· Réfléchir à comment rendre la situation de travail apprenante
· Repérer et exploiter les apprentissages implicites.
· Quelle(e) pratique(s) mettre en place pour favoriser la posture réflexive de l’apprenant sur ses apprentissages
Les postulats de la FEST :
· La FEST ne peut être formatrice que si plusieurs droits sont accordés à l’apprenant : droit à l’erreur, à l’expérimentation etc...,
· Le temps nécessaire doit être accordé à la situation d’apprentissage,
· L’apprenant a également des obligations : prise de recul (réflexivité) sur ses pratiques, proactivité dans son apprentissage etc…,
· L’organisation doit être facilitante : pas de pression ou d’objectifs serrés, adaptation des cadences, bienveillance, entraide etc…,
· Mise à disposition de ressources internes,
· Traçabilité du parcours et contractualisation (objectifs pédagogiques, moyens, tutorat etc…) entre l’apprenant et l’entreprise et ce tout au long du parcours.
III. L’expérimentation de la FEST au cœur des débats : table ronde à l’UHFP S’est tenue pendant l’Université d’Hiver de la Formation Professionnelle de 2018, une table ronde intitulée « Les FEST : innovation juridique, pédagogique ou simple formalisation de pratiques existantes ? ». Cette table ronde mettait en avant, entre autres, la démarche à mettre en place dans le cadre d’une expérimentation menée par la DGEFP[1], la COPANEF,[2] le CNEFOP[3] et l’Etat, et qui portait sur la faisabilité et l’efficacité de FEST en TPE-PME. Etaient présents pour ce temps d’échange : - Olivia Berthelot, Présidente du GARF Région Centre Val de Loire - Béatrice Delay, Conseiller Technique en charge de la formation professionnelle et de la qualité, CNEFOP - Bernard Masingue, Consultant, Entreprise et Personnel - Olivier Meriaux, Directeur technique et scientifique, ANACT - Pierre Possemé, Président du FPSPP - Stéphane Remy, Adjoint au sous-directeur des politiques de formation et du contrôle, DGEFP - Djamal Teskouk, Conseiller confédéral « Formation initiale et continue », CGT L’enjeu de cette expérimentation était de favoriser l’accès à la formation des salariés les moins qualifiés des petites et moyennes entreprises. Plusieurs OPCA ont participé à cette expérimentation, notamment OPCALIM en partenariat avec deux entreprises bretonnes. Une première entreprise, une PME de vingt-deux salariés, spécialisée dans la fabrication de produits charcutiers. Les salariés ne sont majoritairement pas issus d’une formation en lien avec le secteur alimentaire. Avec l’aide d’un salarié disposant un CAP charcuterie, des périodes de FEST vont être mises en place pour assurer un transfert de compétences en situation de travail. La deuxième entreprise, avec 236 salariés, est spécialisée dans la mise à disposition de main d’œuvre qualifiée auprès d’entreprise du secteur de la viande. Cette entreprise recrute régulièrement sur le poste spécifique de désosseur-pareur, métier rare et qui ne dispose que de très peu de formations existantes. La FEST un est bon moyen de former les nouveaux embauchés « sur le tas », tout en apportant un dispositif pédagogique réfléchi et ainsi rendre les salariés rapidement opérationnels. Trois étapes ont été identifiées pour l’élaboration de cette expérimentation [4] :
· Phase rédactionnelle : objectifs et préconisation
· Phase de formation : planification, organisation, acquisition de compétences et évaluation
· Phase d’ingénierie : préparation de l’action FEST, observation en poste de travail, identification des compétences, écriture du parcours de formation, sensibilisation des formateurs à la réflexivité
Ces étapes permettent une mise en place d’une FEST réfléchie, efficace et prenant en compte tous les acteurs inhérents à cette nouvelle pratique de formation. L’innovation est un concept bien présent dans ce nouveau dispositif qu’est la FEST. Après plusieurs années où la transmission de savoirs ne s’envisageait que de façon descendante, et bien souvent ne prenant que peu en compte les contextes et les individus, il parait aujourd’hui nécessaire de positionner l’apprenant et l’environnement au cœur des dispositifs, pour des apprentissages plus efficaces. Seulement, ces nouveaux systèmes soulèvent une nouvelle question : comment valoriser ces formations informelles ? Et également, comment repérer et formaliser des connaissances et compétences implicites acquises en situation de travail ? [1] Direction Générale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle [2] Comité Interprofessionnel pour l’Emploi et la Formation [3] Conseil National de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelle. [4] http://www.opcalim.org/cont/Actualites/A-la-Une/Decouvrez-l-experimenta… Cassandra Troncale est étudiante en master SIFA (Stratégie et Ingénierie en Formation d'Adultes) de l'Université de Tours. Elle est ambassadrice EPALE France.
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